Méditerranée : Passer des migrations aux mobilités

Cet ouvrage, publié par IPEMED, rassemble plusieurs contributions autour des mobilités en Méditerranée, en remettant en question certaines idées reçues. Le point de départ est qu’on ne peut parler d’intégration régionale sans liberté des facteurs de production, comme il ne peut y avoir d’union sans mobilité.

Les entreprises ayant besoin que leurs salariés et partenaires puissent circuler facilement, la première revendication, des acteurs du sud, mais également des entreprises du Nord, est donc la liberté de circulation. D’ailleurs, la politique européenne de voisinage élaborée en 2004 parlait des quatre libertés : liberté de circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes.

Or la circulation des hommes n’est pas libre en Méditerranée, que ce soit entre le Nord et le Sud ou entre les pays du sud.

Sur le plan démographique
, pour Hervé Le Bras, il n’est pas pertinent de raisonner en termes d’opposition Nord-Sud : les situations sont très différentes entre pays de l’Union européenne comme entre pays du Maghreb et pays du Proche Orient ; la baisse de la fécondité des pays du sud est une réalité ; et les taux d’activité se rapprochent entre pays du nord et du sud de l’espace euro-méditerranéen.

Il convient donc de raisonner en termes d’unités politiques et non géographiques, car la démographie de l’Union européenne s’explique davantage par l’élargissement que par les taux de fécondité. Enfin, le rapport entre la population de l’Union européenne et les populations des pays du sud et de l’est de la Méditerranée (Psem) dans les quarante prochaines années dépendra davantage de l’évolution politique que de l’évolution démographique de ces deux groupes.

La circulation en Méditerranée augmentera car les économies sont de plus en plus dépendantes.


Autre point important, il existe une forte circulation en Méditerranée. Les départs depuis les pays européens d’immigrés algériens, marocains, ou encore turcs équivalent à la moitié des arrivées. Cette tendance est analysée par Hervé Le Bras qui précise que ces sorties ne sont pas nécessairement des retours au pays d’origine mais souvent une installation dans un autre pays développé, en particulier en Amérique du Nord. Il faut abandonner l’idée de migrations causées par une contrainte démographique, la migration étant par essence économique comme il faut comprendre que la circulation augmentera car les économies sont de plus en plus interdépendantes. D’ailleurs, les migrations récentes ne sont pas de même nature que celles des années 70. A cette époque, le niveau d’éducation était faible et la plupart des immigrés sont restés, ainsi que leurs enfants, malgré l’espoir d’un retour. Aujourd’hui, la facilité de voyage change la donne et les nouveaux immigrants ont acquis une formation dans leur pays d’origine.

Autre idée fréquemment avancée : l’importance des migrations.

Contrairement à l’idée reçue, pour El Mouhoub Mouhoud, les pays industrialisés ne reçoivent pas « la misère du monde ». En effet, la proportion de personnes qualifiées parmi les migrants progresse rapidement ; par ailleurs, ces migrations internationales demeurent limitées. De plus, les pays les plus pauvres ont des taux d’émigration faibles car les coûts d’émigration sont élevés.

En revanche il existe un débat autour de la question du brain drain, fuite des cerveaux. Pour El Mouhoub Mouhoud, l’émigration des qualifiés est négative pour les pays de départ car elle les prive de compétences. Hervé Le Bras, quant à lui, considère que, la part de population avec un capital humain allant croissant, les pays d’origine n’en sont pas privés. Surtout il estime que cette question doit être envisagée du point de vue du droit de l’individu à se réaliser alors qu’auparavant la migration était une question de survie. Au-delà de cette position de principe il conviendrait de faire une étude pays par pays pour en mesurer le véritable impact.

Ces deux contributions sont enrichies par une étude d’Ipemed sur la demande de mobilité de la part des réseaux professionnels transméditerranéens et de la synthèse de débats qu’il a organisés autour de cette question au cours de l’année.

En conclusion, le besoin de mobilité est exprimé par les acteurs du développement et pour reprendre l’expression d’Hervé Le Bras « faciliter la circulation freine la migration ». Ce dernier point devrait être médité tant il bat en brèche un discours couramment répandu !

Les coordinateurs de la publication :

Pierre Beckouche est professeur de géographie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du groupement d’intérêt scientifique « Collège International des Sciences du Territoire. Il est également conseiller scientifique d’IPEMED.
Hervé Le Bras est démographe, directeur de recherche à l’INED et directeur à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales. Membre de la Commission Attali, il dirige également le Laboratoire de démographie historique de l’EHESS.

Sommaire :

  • introduction
  • Population et migrations autour de la Méditerranée, 1950-2050. Hervé Le Bras, septembre 2009
  • Migrations internationales, développement et politiques d’immigration. El Mouhoub Mouhoud, 2010
  • La mobilité des professionnels dans l’espace euromed : quel cadre réglementaire, quelle réalité de terrain ? Helena Valdenassi, janvier 2009
  • Compte-rendu des débats d’Ipemed 2009-2010.
  • Annexes
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