
La jeunesse en Afrique est en ébullition. Elle recherche un futur qui se matérialise par la création d’emploi.
Cette situation risque de se dégrader : certains experts prédisent que d’ici 2050 il y aurait 450 millions de jeunes en recherche d’emploi et au taux de croissance des années 2016, qui était très élevé, seulement 250 millions d’emplois seraient créés laissant 200 millions de jeunes au chômage.
Il est urgent d’agir ! Cela ne peut durer ! Il me semble que deux décisions pourraient être rapidement prises, notamment dans le cadre du prochain Sommet UE-UA.
La première décision consisterait à voir les Etats, les Communautés régionales, et l’Union Africaine, décider collectivement que la priorité des priorités c’est d’industrialiser l’Afrique à partir de la transformation, sur place, de ses matières premières. La Zone de Libre Échange Continentale, récemment entrée en vigueur, offre pour la première fois, la possibilité concrète de développer un marché intérieur africain au service d’une croissance moins dépendante de l’extérieur et où synergies et économies d’échelle seront possibles. Dans ce cadre la création de Zones Économiques Spéciales et Sécurisées jouerait un rôle fondamental d’accélérateur et de facilitateur d’investissements, internes et étrangers. On a l’exemple de l’industrialisation chinoise, qui a bénéficié de cela. Encore faut-il que l’Afrique définisse son propre modèle pour l’adapter à ses économies et à ses réalités.
Actuellement selon les statistiques de l’ONUDI, il existerait 237 Zones Économiques Spéciales en Afrique pour une population de 1 milliard 300 millions. Dans le même temps, pour une population chinoise, à peu près identique, il existerait 2.546 Zones Économiques Spéciales. Mais ce n’est pas qu’une question de quantités, mais plutôt de qualité de ces zones. Trop souvent, les institutions qui abordent le développement industriel mettent en avant les conditions financières (prêt, crédit, prise en compte des risques). Ces conditions sont certes nécessaires mais non suffisantes si les conditions techniques et environnementales permettant de disposer des facteurs de production ne sont pas remplies. Or en Afrique ces facteurs sont rares, comme par exemple l’accès à l’eau, au réseau électrique, au réseau logistique, la présence d’une main-d’oeuvre qualifiée, la proximité des marchés, etc.
Voilà pourquoi la construction de Zones Économiques Spéciales et Sécurisées, où sont rassemblés géographiquement le maximum de ces facteurs est une absolue nécessité. Il ne s’agit pas de zones fermées et d’exception, en exonération de taxation et de droits. Il s’agit de zones ouvertes, de synergie et de rassemblement de facteurs de production pour créer des filières de production africaine compétitives. Mettre en oeuvre et remplir ces Zones Économiques Spéciales et Sécurisées, adaptées aux réalités africaines, dans un délai relativement bref est, un nouveau défi pour la coopération internationale.
La deuxième décision que l’Union Européenne et l’Union Africaine devraient prendre serait de définir et de mettre en place une politique commune industrielle euro-africaine avec un horizon d’au moins une dizaine d’années. Dans ce cadre, on pourrait créer un modèle euro-africain de Zones Économiques Spéciales qui soit performant et durable. Ce nouveau modèle euro-africain à promouvoir devrait non seulement faciliter les investissements, mais surtout développer les structures de l’offre (services, formation, capital humain, recherche, interconnexions digitales, etc.) à intégrer dans des chaînes de valeurs euro-africaines et intra africaines.
Je me suis exprimé sur ce sujet des ZES récemment à la trente-cinquième (35ème) session de la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement réunie à Addis-Abeba le 6 février 2022 : Puisque la ZLECAF travaille pour élaborer la règlementation sur les ZES ainsi que les directives sur les industries émergeantes, je propose de franchir un pas supplémentaire pour que la Commission Européenne et la ZLECAF élaborent ensemble un nouveau modèle euro-africain de ZES et mettent en place une politique industrielle commune en mobilisant les milieux scientifiques compétents (la fondation La Verticale,
L’association AEZO de Tanger, le CESPI d’Italie et ERF Egypte etc.) et les organisations professionnelles patronales.
Ce serait une véritable valeur ajoutée, par rapport à ce qui existe actuellement en Afrique.
La réflexion d’aujourd’hui devrait être centrée sur quatre idées :
1. Rôle des états, de la ZLECAF et de l’UE pour élaborer un modèle africain de ZES.
2. Le rôle des entreprises pour assurer le développement de ces nouvelles ZES
3. L’importance des jumelages entre les ZES africaines et les clusters européens.
4. La concertation des institutions financières internationales euro-africaine pour assurer le financement des ZES.
Je suis heureux d’introduire ce webinaire sur les Zones Économiques Spéciales, en étroite complicité avec mon ami et partenaire Jean-Claude Juncker.
Je souhaite que les quatre actions qui vont être débattues puissent servir de base à une politique commune Euro-Africaine (UE-UA) sur l’industrialisation, la coproduction et le co-développement.